[N2] Ronde 5 – Un soupçon de technique pour changer
NDLR : L’Échiquier du Lac accueille un nouveau chroniqueur dans ses colonnes : Alain !
Situons d’abord le cadre : un petit F2 coquet en rez-de-chaussée plein 16e aménagé en club d’échecs.
Fait exceptionnel, tous les joueurs étaient à l’heure, y compris le Dérouleur qui avait 10 minutes d’avance sur ses 20 minutes de retard. La rencontre se présentait donc sous les meilleurs auspices…
Féru de théorie échiquéenne, j’espère que les Béotiens voudront bien m’excuser pour les quelques références techniques émaillant ce compte rendu (références que vous pourrez approfondir dans n’importe quel bon manuel d’échecs).Voici les acteurs par ordre d’apparition sur la feuille de match et aussi, malheureusement pour certains, par ordre de disparition de l’échiquier.
Lucky Luke (le soussigné) – échiquier 6 avec les blancs
Ouverture Don Quichotte – cette ouverture très populaire dans le nord d’Enghien mais assez peu jouée ailleurs consiste à surprendre son adversaire en bloquant volontairement le développement de ses propres pions sans donner d’angle d’attaque aux noirs. Après simplification de matériel, nous arrivons dans une finale symétrique de tours et fous de couleurs opposées sans avantage ni pour l’un ni pour l’autre. Mon adversaire me propose la nulle au bout d’1h30 de jeu que je refuse par principe, mais il me revient à l’esprit que c’est à moi de faire le compte rendu. Pour m’acquitter avec conscience de ma charge sans être déconcentré par ma partie, je prends la nulle peu après.
16h40 Enghien 0 Lutèce 0
Le Chirurgien – échiquier 7 avec les noirs
Défense Constrictor – Gros retard de développement des noirs avec infiltration des deux cavaliers adverses sans que leurs tours n’aient eu le temps de s’activer. Les noirs progressivement asphyxiés vont, sur le sacrifice d’un des cavaliers blancs, perdre un premier pion, puis un cavalier, et finir avec un pion passé contre eux, pour logiquement abandonner au 38e coup.
Pour excuser cette méforme tout a fait exceptionnelle, je dois signaler à la décharge du Chirurgien qu’il disposait, avec la Girondine, de conditions de jeu beaucoup moins bonnes que le reste des joueurs. Ils avaient en effet été « punis » à l’écart dans un coin de la cuisine, entre les toilettes, la machine à café et la salle de jeu principale (disons plutôt, la chambre à coucher).
17h20 Enghien 0 Lutèce 1
Le Dérouleur – échiquier 4 avec les noirs
Défense Gaston – Petit retard de développement des noirs dans l’ouverture mais position globalement solide. Partie assez symétrique pour arriver à un milieu de partie où les deux camps se neutralisent en s’orientant sans doute vers une nulle. Le temps de comprendre comment fonctionnait la machine à café, je retrouve une partie complètement différente 5 minutes plus tard, la situation du dérouleur s’étant effondrée, semble-t-il suite à une erreur tactique involontaire (pour ne pas dire une gaffe).
17h25 Enghien 0 Lutèce 2
La Girondine – échiquier 8 avec les blancs
Ouverture du centre droit (dite ouverture Bayrou) – Manifestement plus à l’aise dans une cuisine que le chirurgien, la Girondine effectue un début solide avec une position supérieure en début de partie et près de 50 minutes d’avance au temps. Au 16e coup (ainsi qu’au 17e), elle rate même une combinaison tactique gagnant un pion sur sacrifice de fou qui lui aurait permis de prendre l’avantage avec un pion de plus et une meilleure structure de pion en finale. Après échange de matériel, les blancs se retrouvent avec une tour noire sur la deuxième rangée. 4 pions en moins plus tard, la Girondine est contrainte d’abandonner après avoir livré un combat plus qu’honorable contre une adversaire ayant plus de 500 points Elo qu’elle. Malgré une déception compréhensible, la Girondine s’est consolée comme elle a pu en constatant qu’elle n’était pas la première à avoir terminé.
17h30 Enghien 0 Lutèce 3
Cortex – échiquier 2 avec les blancs
Gambit du Coup de Pompe – Position équilibrée de part et d’autre dans l’ouverture avec très peu de coups joués dans les trois premières heures. Structure de pion dissymétrique, chacun des deux joueurs ayant un pion infiltré dans les lignes adverses. Après le don puis la reprise d’une qualité, les blancs ont une position supérieure et les noirs sous la pression du temps (et aussi semble-t-il de bruits parasites audibles surtout du fond de la pièce) abandonnent prématurément. [NDLR : pour Alain, abandonner une position avec trois pions de moins sans contre-jeu = abandonner prématurément :)]
17h35 Enghien 1 Lutèce 3
Houdini – échiquier 1 avec les noirs
Gambit Psychiatrique – Début de partie en fanfare avec très rapidement une forte pression des noirs sur le roi adverse par l’intermédiaire d’un fou coincé entre des pions noirs et des pions blancs mais imprenable à cause d’une combinaison de mat.
Par une série de contorsions, les blancs arrivent à se repositionner en défense, en raflant au passage le fou noir. Malgré un reliquat de pression, les noirs doivent subir une contre-attaque sur l’autre aile et perdent une deuxième pièce et peu après la partie.
17h57 Enghien 1 Lutèce 4
Lutèce remporte d’ores et déjà le match alors qu’il reste deux parties.
Le Chef – échiquier 5 avec les noirs
Partie Batave – variante de la Haye
Les joueurs les plus avertis constateront que le nom de ce début ne fait pas partie des débuts répertoriés et est le seul fruit de mon imagination. L’explication est la suivante : le Chef ne souhaitant pas que ces adversaires futurs fussent renseignés sur son style de jeu, je me suis engagé à le garder secret, d’où ce nom énigmatique.
Quelques imprécisions dans l’ouverture amènent les noirs à subir le jeu des tours blanches, à perdre une colonne puis la 7ème rangée. Malgré une petite amélioration de la position, le retard de développement des noirs les conduit à une finale de cavaliers perdante avec un roi mal placé en position de zugzwang. Le Chef, réalisant au bout d’une heure qu’il était vain de continuer à entretenir l’espoir de ses coéquipiers puisque le sort de la rencontre était déjà scellé, se laissa mourir avec élégance en abandonnant après plus de 6 h 30 de combat.
18h50 Enghien 1 Lutèce 5
Farinov – échiquier 3 avec les blancs
Début : Eristov – variante Stolichnaya
Début inhabituel de Farinov qui est d’habitude plutôt un joueur de Smirnoff, plus classique. Ce début oblige les blancs à jouer avec une grande précision et ne convient qu’à des joueurs aguerris et parfaitement reposés.
Les blancs créent d’entrée une forte pression sur le roque noir en contrepartie d’une petite faiblesse en e4. L’adversaire de Smatiov se défait laborieusement de la pression en recyclant son fou de cases noires en défense mais en doublant des pions. On croit s’acheminer vers une nulle mais Smatiov se crée un pion passé. Contraint d’échanger la qualité contre un pion et un cavalier, son adversaire finit pas se retrouver dans un réseau de mat et est contraint à l’abandon.
19h01 Enghien 2 Lutèce 5
Victoire finale de Lutèce dans une rencontre à sens unique où nous n’avons jamais vraiment eu l’ascendant sur nos valeureux et méritants adversaires.
Lucky Luke – Paris – le 14 Janvier 2012
Très sympa ton compte rendu !
Vif, rythmé, humoristique, des références théoriques très précises, et livré bien avant le contrôle de temps….
Ta patte se reconnaît entre toutes, Lucky Luke !
Posté par Olivier le 17 janvier 2012.
J’ai dû mal me faire comprendre : je souhaitais qu’aucun nom de début ne figure dans le compte-rendu. Maintenant nos adversaires vont pouvoir étudier les ouvertures et nos débuts ne seront plus des surprises…
😉
Posté par Benoît le 18 janvier 2012.