[N3 R8-R9] Psychologie de la feuille de partie
J’avoue, j’ai séché pour écrire le compte rendu de nos deux derniers matches de N3 (victoires contre Cergy-Pontoise samedi 14 mai et Senlis dimanche 15 mai).
J’ai eu quelques idées, mais le résultat ne me satisfaisait pas.
Et puis hier soir, en regardant encore une fois les feuilles de parties que j’ai réussi à glaner pour préparer le compte rendu, je me suis fait quelques réflexions qui méritent, je pense, d’être mises à l’honneur ici.
Alors, la feuille de partie reflète-t-elle le caractère du joueur ?
Géraldine : feuille typique du novice en compétition, qui n’a pas encore l’habitude de la notation. Quelques erreurs de retranscription des coups, mais en revanche, on sent la Girondine très consciencieuse, avec des écritures très complètes, comme par exemple « e5xCf6 », là où un vieux de la vieille écrirait « exf6 », voire « ef ». Avec l’expérience, le joueur d’échecs devient paresseux. Tu verras, Gégé, dans quelques temps, tu seras capable de jouer ton coup sans regarder l’échiquier (quitte à déplacer ta tasse de café au lieu de ta tour), d’écrire le coup de ton adversaire sans même lever les yeux (tu auras deviné « au bruit » ce qu’il aura joué) et même d’écrire ton coup sans regarder la feuille de partie…
Baroudi : écriture calme et posée, sans aucune prétention calligraphique. Un peu comme les débuts « tranquilles » de notre numéro 1, qui suscitent d’abord des regards suspicieux de ses adversaires. Puis le magicien opère, et à partir de positions apparemment sans ambition, Baroudi trouve des manœuvres magiques qui ensorcellent l’adversaire.
Olivier : sa réputation de M. Propre transparaît clairement dans sa feuille. Les coups, bien alignés, sont écrits très lisiblement. Pas de fioritures, rien que l’essentiel. Comme sur l’échiquier : un jeu clair, précis et logique.
Antoine : on sent la volonté de faire la feuille la plus belle possible. En début de partie, les lettres sont bien formées (on imagine la pression du crayon sur la feuille) et en caractères d’imprimerie. Alternativement, ils sont alignés à gauche et à droite. Au fur et à mesure de la partie, ça se gâte. L’écriture devient plus tremblante, les colonnes gauche et droite sont de moins en moins distinctes. Après le zeitnot, c’est mieux. Pour résumer, une feuille qui illustre l’état d’esprit de son auteur au cours du jeu !
Manu : tout le contraire d’Antoine et d’Olivier. Pas de recherche particulière de logique ou de beauté dans l’écriture, la feuille de partie est purement fonctionnelle. Le coup est écrit dans sa colonne tantôt à gauche, tantôt à droite, et est parfois accompagné d’une indication du temps restant à la pendule. Une feuille très pragmatique, à l’image de l’homme.
Kader : petite surprise en regardant les feuilles de Kader. On s’attendrait, de la part du « Chirurgien » à une précision de tous les moments, à un contrôle rigoureux de chaque geste de la main. En réalité, de temps en temps, quelques coups sont oubliés, d’autres sont curieusement retranscrits (comme par exemple Cg6 pour les noirs au premier coup de la partie…). Mais comme à la fin c’est quasiment tout le temps Kader qui gagne, on ne peut pas lui en tenir rigueur. Comme quand vous sortez du bloc opératoire : vous êtes contents du résultat, vous ne voulez surtout pas savoir dans les détails comment ça s’est passé :o)
Alain : sacré Alain… Combien de fois il m’a fait rire ! Ne vous avisez surtout pas de le faire jouer sur un échiquier sans les coordonnées, il est le seul joueur de ce niveau à ne pas connaître ses cases ! Ne lui demandez pas non plus de remplir le champ « ouverture » dans l’en-tête, vous risquez d’avoir des surprises (du genre une Sicilienne qui commencerait par 1. d4 d5). Tout cela rend ses prestations encore plus impressionnantes !
Charles : on peut dire qu’il est un disciple de Manu dans l’écriture. Une feuille purement pratique, qui correspond bien à notre quasi-retraité des échecs, qui ne joue plus que quelques matchs de gala de temps en temps.
Le Chef : les feuilles du Chef laissent poindre une certaine… nostalgie du passé. Vous savez, cette époque, où on apprenait aux débutants à écrire « Cç3-é4 » et non pas « Cc3-e4 » (d’ailleurs je n’ai jamais compris quelle confusion on voulait éviter, mais je suis sûr que la Chef saura « éclairer ma gouverne »). Son adversaire doit appartenir à la même école, puisqu’au 6e coup il a noté « Tab8 » au lieu de « Tb8 » (exercice pour lundi prochain : vous me prouverez qu’au 6e coup, il ne peut pas y avoir d’ambiguïté !).
Laurent : les feuilles du Panda sont les plus chargées que j’aie jamais vues. On se demande comment il fait pour faire tenir tout ça. Tout y est écrit : la cadence complète dans l’en-tête (du style 1h30’+30’’/coup [1-40] ; 30’+30’’/coup [41-60] ; 10’+30’’/coup [61-]), le temps restant à la pendule à chaque coup pour les deux adversaires, ainsi que quelques indications météorologiques (passages nuageux, légère brise, tombée de la nuit, le Chef grogne, etc.). Mystérieusement, les numéros des coups 10, 20 et 30 sont entourés. Bref, une feuille complète qui permet quasiment de suivre le déroulement de tout le match !
Au final, je crois que ces quelques lignes démontrent notre propos originel : dis-moi comment tu gères ta feuille de partie, je te dirai quel joueur tu es !
PS : je me rends compte que je n’ai pas du tout parlé des deux matchs. Victoire en deux sets, 6-2 6-2 :o)
Avec Le Chef et Antoine, la prose n’aura jamais été aussi peu prosaïque !
Posté par Serge le 29 mai 2011.
Le chef ne “grogne” pas : le chef manifeste une légère désapprobation.
Par ailleurs, ç et é permettent d’éviter quelques confusions lorsque le stylo (ou son propriétaire) commence à ressentir la fatigue d’un long et dur combat.
Posté par Benoit le 30 mai 2011.
Aurait-on un psychologue (ou psychiatre/psychanalyste ?) en plus d’un chirurgien ?
J’aime aussi beaucoup regarder les feuilles de parties, merci pour cette belle analyse !
Et surtout, un grand bravo pour ces nouvelles victoires !! De bon augure pour la saison prochaine…
Posté par Rémi le 30 mai 2011.
Très amusant et original !! Merci pour ce compte-rendu très instructif !
Posté par Laurent le 31 mai 2011.
Merci Antoine pour ce rafraîchissant compte rendu !
Concernant “Mr propre” (je suis honoré que l’assocation en soit au stade de réputation !),
– C’est vrai pour la coupe de cheveux,
– C’est vrai aussi que j’aime bien les parties qu’on se voit dedans, comme son carrelage,
– Pour les muscles, c’est pas encore ça…
Par ailleurs, il peut arriver à chacun d’entre nous que la calligraphie se ressente des effets du z……
Mais chuuuut,
nous savons tous qu’à la faveur des consignes de notre Kptain, cela n’arrive plus qu’en de rarissimes occasions 😉
A bientôt à tous
Posté par Olivier le 1 juin 2011.