Dimanche dernier notre formation de N3 s’est déplacée au bord de la mer pour son 3e match contre Gonfreville l’Orcher, que nous avons remporté 6-1. Je pourrais en rester là pour le compte rendu mais, si vous me promettez que cela reste entre nous, je vais vous divulguer un des secrets de notre équipe.

En effet, nombreux êtes-vous à me demander : mais comment faites-vous, durant ces longs trajets autoroutiers uniquement ponctués de péages, pour préparer vos neurones (à l’aller) et garder le chauffeur éveillé (au retour) ? Eh bien – et je le dis tout bas pour ne pas être entendu par des oreilles indiscrètes – nous jouons au jeu de l’homme célèbre.

Le jeu débute quand un des joueurs – le maître du jeu – déclare “Je pense à quelqu’un”. Ses compagnons de voyage doivent deviner de qui il s’agit en posant uniquement des questions auxquelles le maître peut répondre par oui/non/je ne sais pas. Celui des joueurs qui trouve devient à son tour le maître du jeu et ainsi de suite, jusqu’à la fin du trajet (qui semble passer beaucoup plus vite).

Comme aux échecs, il y a diverses stratégies. La plus classique consiste à “réduire le périmètre”. Voyons cette méthode déployée par un de ses plus grands promoteurs (appelons-le RS pour ne pas le nommer) :

Le maître du jeu : – Je pense à quelqu’un [En fait il pense à Eugène Poubelle, l’inventeur de la poubelle]

RS : – Réel ?

– Oui.

– Toujours vivant ?

– Non.

– Homme ?

– Oui.

– Européen ?

[etc. Vous voyez qu’il y en a pour un bout de temps]

 

Toutefois, certains esprits farfelus voire hypermodernes choisissent des voies un peu plus détournées. Voyons le jeune AK à l’oeuvre :

Le maître du jeu : – Je pense à quelqu’un [Cette fois il pense à Maître Yoda]

AK : – Est-ce que c’est Capitaine Crochet ?

– Non.

– A-t-il une dentition parfaite ?

– Je ne sais pas.

– Est-ce qu’il tient dans un frigo ?

– Oui.

– Et dans une boîte à chaussure

– Mmm… Oui

– Est-ce que c’est Maître Yoda ?

– Gagné !

Ainsi donc, dans une des deux voitures (dans l’autre je ne sais pas :)), nous avons usé et abusé de ce jeu durant les quelque 6 heures de route, qui nous ont permis de deviner ou faire deviner (liste non exhaustive) : Georges Brassens, Jeanne d’Arc, Mireille Darc, Arthur Ashe, Bernard Tapie, George Adamson, François Feldman, Louis Renault, Léonarda, JRR Tolkien, Patrick Modiano…

Mais voici ce qu’aurait pu être une des phases du jeu :

Le Chef : – Je pense à quelqu’un.

– Vivant ?

– Oui.

– Joueur d’échecs ?

– Oui !

– A-t-il joué dans le match d’aujourd’hui ?

– Oui !

– S’est-il incliné ?

– Non.

– Bon, c’est pas Didier. A-t-il mis tous ses pions sur la 6e rangée et proposé nulle ?

– Non.

– OK, c’est pas Laurent. A-t-il gobé tous les saumons sacrifiés dans l’ouverture par son adversaire ?

– Non.

– Ce n’est donc pas Arnaud. A-t-il fait une merveille de partie stratégique ?

– Non.

– Ce n’est donc pas vous, Chef.

– Fayot !

– A-t-il planté un petit Cxg2 des familles ?

– Non.

– Ce n’est pas Antoine… A-t-il enfreint les règles paires de la charte en accusant une heure de retard à la pendule sur son adversaire ?

– Non.

– Flûte, ce n’est pas Réda. A-t-il joué contre quelqu’un dont nous avons tous quelque chose en nous ? [Seul un coup d’œil à la feuille de match peut vous aider à comprendre cette question]

– Non.

– Zut, ce n’est pas Kader. OK, OK… Est-ce un joueur qui s’était engagé à faire le compte rendu de la ronde 2 de N3, ce match contre Bihorel que nous n’avons finalement pas joué car nos adversaires ont fait forfait, mais qu’à cela ne tienne, à la place nous avons fait un gigantesque tournoi de blitz que Laurent a écrasé de bout en bout et où le Chef a fait des appariements au système suisse avec juste un papier et un crayon ? [Notez comment au passage  nous en profitons pour faire le compte rendu de la ronde 2 dans le compte rendu de la ronde 3, ce qui, à ma connaissance, est absolument inédit dans l’histoire des comptes rendus]

– Et non.

– Mais si ce n’est pas Alain, ce n’est pas possible, Chef ! Nous avons fait le tour de tous les joueurs de notre équipe !

– Et qui vous a dit que je pensais à un joueur de notre équipe ?

– Mince, c’est vrai. Qu’est-ce que vous êtes malin, Chef. Par contre je vous signale que vous devriez faire attention à la signalisation. C’est vert, Chef.

– C’est vert, mais juste.

– Qu’est-ce que vous êtes drôle, Chef.