Les services techniques de la mairie d’Enghien-les-Bains avaient été prévoyants : des barrières* de protection étaient placées à proximité de l’espace du lac.

Une heure avant le début de la rencontre des dizaines de supporters s’y pressaient déjà, souriants, dans une ambiance bon enfant. Un car-régie de BFMTV, garé dans l’allée de l’hôtel du lac, témoignait de l’importance nationale de l’événement.

Soucieux de ne pas se déconcentrer** Laurent et Benoît évitèrent discrètement les supporters en arrivant par la rue Talma.

Tandis que le président, le trésorier et le capitaine installaient tables et jeux dans un alignement impeccable, les joueurs arrivaient un à un, un léger sourire de surprise aux lèvres.

Tous savaient l’importance du match, le capitaine l’avait rappelé lors de la convocation – et celle-ci fut confirmée à la lecture des résultats des autres matches de la poule – mais bien peu des membres de l’échiquier du lac étaient habitués à pareille excitation.

Gênés par la foule, les Havrais arrivèrent, très impressionnés, avec quelques minutes de retard.

Fort surpris par ce rassemblement inhabituel, ils en demandèrent les raisons. Le capitaine leur proposa une explication : comme le laissaient présager les drapeaux portugais et les maillots rouges dont certains étaient revêtus, l’équipe nationale de football du Portugal devait séjourner à l’hôtel du lac, voisin de la salle de jeu, après son match de la veille au stade de France***.

Le match pouvait commencer****.

La composition des équipes montrait un léger avantage aux enghiennois sur les derniers échiquiers qui compensait la supériorité du classement des havrais aux deux premiers.
Si Emmanuel ouvrit rapidement le score en gagnant un cavalier aventuré au bord de l’échiquier, toutes les autres parties atteignirent le contrôle de temps, la plupart dépassant les soixante coups, témoignant ainsi de l’âpreté du combat.

Kader doubla la mise en faisant fructifier son pion d’avance, obtenu par de subtiles manœuvres de ses pièces lourdes, malgré un début quelconque.

Laurent porta le score à 3-0. Après avoir permis à son adversaire d’obtenir une dangereuse attaque sur son roque, il profita d’une erreur en zeitnot, pour exploiter les faiblesses des cases noires.

Pierre fit jeu égal avec son redoutable adversaire mais oublia un pseudo-sacrifice de pion qui l’obligea à sacrifier une qualité. Malgré une résistance acharnée il dut rendre les armes peu après le contrôle de temps.

Alain n’obtint rien de son début original, mais domina son adversaire trop passif dans une difficile finale tour et fous de couleur opposée conclue par une jolie petite combinaison.

Antoine obtint le demi-point de la victoire en prenant rapidement un bon avantage structurel qu’il transforma en léger avantage matériel. Malgré tous ses efforts il ne put le convertir, son adversaire défendant avec précision la finale de tour.

Benoît, après avoir manqué un sacrifice dévastateur, s’inclina dans une partie à roques opposés où l’avantage décisif changea plusieurs fois de camp.

Enfin, Olivier gagna un gros avantage de début qu’il laisse peu à peu s’évanouir, puis joua trop passivement sa finale de tour et fini par tomber dans une position difficile mais qu’il pouvait peut-être sauver.

Victoire minimale donc, mais, comme l’indiquent les classements moyens des équipes de la poule, victoire importante dans un match entre deux des favoris de la poule.

* Attention ! Jeu de mot subtil.
** à moins qu’il s’agisse d’une pointe de timidité.
***Vous croyiez vraiment qu’un match de N3 attirerait BFMTV ?
**** malgré l’absence d’Olivier, retenu par quelque embouteillage.