Les recherches récentes en neurobiologie montrent l’influence des émotions dans les processus de mémorisation.

Ainsi on se souvient bien davantage de certains matches.

En raison de l’enjeu particulier comme contre Rueil ou Cergy.

Pour l’ambiance générale, au-delà du résultat, comme un certain week-end dans le Nord.

Pour le résultat inespéré tant l’adversité était forte (Ah Clichy !) ou, au contraire, une défaite cuisante face à moindre opposition (Fourmies Argh !)

Et parfois c’est seulement pour l’inspiration lors de la rédaction du compte-rendu.

Au-delà de l’enjeu ou du résultat, certains matches restent aussi gravés dans nos mémoires pour la tension dramatique.

Le match de la troisième ronde appartient à cette dernière catégorie.

Nous rencontrons l’équipe d’Asnières composés de « vieux briscards », sympathiques joueurs expérimentés que je côtoie, pour la plupart, depuis une trentaine d’années.

La feuille de match dévoilée, Asnières présente une équipe un peu plus forte que la notre malgré l’absence d’Alain Viot – le professeur de l’école d’échecs d’Enghien-les-Bains – qui a refusé de jouer pour éviter tout « conflit d’intérêt ».

Emmanuel arrive avec quelques minutes de retard en compagnie de son « coach », lui aussi élève d’Alain.

Au premier échiquier, avec les blancs, Antoine sacrifie immédiatement un pion pour de grandes complications tactiques – variante choisie lors du voyage aller sur les conseils du capitaine.

Emmanuel, au deuxième échiquier, obtient une meilleure structure de pion, en contrepartie d’un désavantage d’espace.

Réda et son adversaire commencent une longue partie de manœuvres, chacun derrière sa muraille de pions.

Benoît est mis rapidement hors de ses connaissances théoriques et prend vite du retard à la pendule.

De même, au cinquième échiquier, où l’écart de classement en faveur de nos adversaires est le plus élevé, Laurent affronte une variante qu’il maîtrise mal et dépense beaucoup de temps.

Olivier lui aussi, comme à son habitude, réfléchit longuement dans l’ouverture, tandis que son adversaire répond avec célérité.

Comme de coutume, Alain se développe tranquillement sans chercher le K.O.

En revanche pas de round d’observation au huitième échiquier : l’adversaire de Géraldine sacrifie du matériel, immédiatement accepté.

Bon, je dois une fois de plus vous avouer que je n’ai pas eu l’occasion de suivre attentivement les parties de mes partenaires pour les raisons expliquées ci-dessus.

Je peux toutefois vous dire que les positions d’Antoine et de Géraldine sont devenues de plus en plus sauvages. Les compensations pour le matériel investi étant, pour le premier échiquier enghiennois et l’adversaire de notre Girondine, plus qu’évidentes.

Je peux aussi vous dire que Laurent a placé un très joli clouage en croix qui lui a donné un monstrueux pion en f6, créant de constantes menaces de mat du couloir.

Que Réda et son adversaire ont continué leur shadow boxing. Les menaces de percée de Réda étant systématiquement parées.

Qu’une grossière erreur de calcul m’a fait perdre un gros pion et laissé ma position en ruine.

Qu’Emmanuel a résisté, semble-t-il avec précision, à l’assaut sur son roque.

Qu’après plus de trois heures de jeu la pendule d’Olivier affiche moins de 10 minutes mais que celle de son adversaire encore 1 h 31 !

Que la position d’Alain est de plus en plus égale avec les échanges de pièces.

Que la tension est encore montée d’un cran à l’approche du contrôle de temps.

Par un tour de passe-passe dont il a le secret, Olivier a gagné une qualité, puis, ayant enfin passé le 40e coup et repoussé une dernière tentative de perpétuel, notre Zlatan (100% depuis la fin de la saison 2011-2012 !) a ouvert le score.

EdL – Asnières 1-0

Laurent a doublé le score après de subtiles manœuvres de tours qui lui ont permit de gagner un pion puis de remporter la finale. Il signe ainsi la perf du match qui permet d’oublier sa piètre prestation de la veille.

EdL – Asnières 2-0

Géraldine, sur les conseils d’Olivier et Laurent puis, après intervention de l’arbitre, de son capitaine accepte le partage du point dans une position équilibrée mais encore piégeuse.

EdL – Asnières 2-0

Après un zeitnot mutuel frénétique, Antoine oublie une défense qui lui aurait permis de faire fructifier son avantage maintenant décisif.

EdL – Asnières 2-1

Le quarantième coup passé sur tous les échiquiers restants, il n’est toujours pas question de respirer : tout reste encore possible.

Mais peu après, l’adversaire d’Emmanuel se résigne à prendre l’échec perpétuel. La défense active de notre deuxième échiquier ayant eu raison de ses velléités agressives.

EdL – Asnières 2-1

Benoît ne s’est pas démotivé après sa bévue. Il profite de la précipitation de son adversaire pour activer ses pièces et égalise malgré le pion de moins. Les deux joueurs répètent bientôt les coups.

EdL – Asnières 2-1

Tandis qu’une seule pièce et aucun pion n’a été échangé, que chacun a longuement et précautionneusement manœuvré, Réda a réussi à infiltrer un cavalier dans le camp adverse. Il peut gagner une qualité mais le risque serait élevé. Une nulle logique est finalement conclue.

EdL – Asnières 2-1

Alain a finalement réussi à gagner un pion et infiltré son roi dans la position adverse. Mais les fous de couleurs opposés et la défense précise de son adversaire l’empêchent de concrétiser son maigre avantage matériel.

EdL – Asnières 2-1

Un match tendu et une victoire difficile, face à forte adversité, qui nous propulse seul en tête du groupe.

À voir les sourires soulagés des membres de l’équipe sur le trottoir, je peux vous assurer que ce match restera dans les mémoires.