N3 première ronde : départ en fanfare !
Résonnez tambours !
Sonnez trompettes !
Chantez vivats !
L’échiquier du lac est là !
(Inutile de râler que le suspense est détruit par cette introduction, je sais que tu as regardé les résultats sur le site de la FFE)
Tout avait pourtant bien mal commencé : dès huit heures ce dimanche matin, une bétonnière et un tractopelle attaquaient avec application la porte de ma chambre. Le tout souriant « Bonjour Papy ! Je travaille. » explicatif de mon petit-fils n’apporta qu’un maigre réconfort.
La situation s’aggrava vers onze heures lorsqu’Alain m’informa que sa luxueuse limousine était immobilisée au bord de l’autoroute à plus de cent kilomètres de la salle de jeu dans l’attente de la dépanneuse.
Le pire fut atteint peu après treize heures quand je fus sauvagement agressé par un lampadaire alors que je manifestais mon pardon pour le réveil prématuré indiqué ci-dessus (à l’heure où j’écris ces lignes les stigmates de cette agression sont encore visibles sur mon front).
Antoine et Laurent s’inquiétèrent de ne pas recevoir la moindre remontrance pour les quelques minutes retard. Ils comprirent lorsque je leur expliquais qu’Alain essayait de rejoindre la salle de jeu avant l’heure du forfait en parcourant la distance Caen – Paris sans dépasser les quatre-vingt kilomètres par heure.
Hélas nos adversaires furent tout-à-fait ponctuels et notre léger avantage de classement aux quatre derniers échiquiers n’était pas vraiment significatif.
Le match commençait donc à sept contre huit avec le spectre d’un « -1 » difficile à rattraper sur la feuille de match si Alain n’arrivait pas à temps.
Au huitième échiquier la partie pris immédiatement une tournure sauvage du style XVIIIe (le siècle pas l’arrondissement) les blancs sacrifiant (?) un fou pour deux pions et un roi dans les courants d’air.
Au septième, Laurent semblait peu inspiré et je commençais à regretter de l’avoir obligé à venir jouer.
Au sixième Kader prenait méthodiquement, au centre et à l’aile roi, l’espace délaissé par son adversaire qui ne voulait jouer que sur une moitié d’échiquier.
Dans le duel des capitaines, au quatrième échiquier, les blancs sortirent assez vite de la théorie, et bientôt chacun pensa ne pas être très bien.
Réda, au troisième échiquier, conservait le très léger avantage inhérent au trait en développant naturellement ses pièces.
Emmanuel récitait son ouverture tout en prenant des photos pendant que son adversaire réfléchissait longuement.
Antoine et son adversaire naviguaient encore dans des eaux connues des experts lorsque la porte de salle s’ouvrit. Un soupir de soulagement se fit entendre. Alain s’installa à sa table.
L’espoir changea de camp, le combat changea d’âme*
Avec trois quarts d’heure de retard, Alain choisit un début académique (on notera l’influence de l’achat mentionné dans un précédent compte-rendu). Malheureusement, le choix de ce début n’était pas forcement judicieux quand les connaissances théoriques s’arrêtent au septième coup d’une variante complexe analysée en profondeur depuis plus de cent cinquante ans. Son adversaire ne fut pas déstabilisé par la nouveauté proposée et obtint très rapidement une position écrasante.
L’heure de jeu à peine entamée, Géraldine et son adversaire se serraient la main. Courte mais intense, la partie s’achevait sur un échec perpétuel qui satisfaisait les deux joueuses et leurs capitaines respectifs, tous quatre soulagés car l’irrationnel (et son corollaire le résultat aléatoire) menaçait de prendre le dessus.
Enghien-les-Bains – Sèvres : 0-0
Laurent ne semblait toujours pas dans son assiette et laissait peu à peu son adversaire prendre un léger avantage.
Kader avait la position bien en main et commençait à menacer le roi adverse.
Benoît se plongeait soudain dans une réflexion intense : « …c5 doit être thématique voyons… Mmm ça ne me plait pas, essayons plutôt e5. … mouais pas terrible … vérifions c5. … bof ! e5 doit être meilleur … ah non je donne la case f5 au cavalier au moins c5 n’a pas cet inconvénient … etc. etc. … [censuré] ! Il ne me reste plus qu’une demi-heure. Bon aller ! Je joue Rb8 ça mange pas de pain et on décidera plus tard. » [NDLR : Merci de ne pas mentionner ce commentaire à notre entraineur]
Réda conservait son microscopique avantage de début.
Emmanuel et Antoine étant encore – semble-t-il – dans leurs théories respectives.
Même fatigué par une semaine de journées de vingt heures de dur labeur, même en ne jouant que d’un œil et la paupière de l’autre mi-close, Laurent n’est pas homme à laisser passer une combinaison « faites-vous la main, cinq secondes, une étoile ». Il profita donc immédiatement de l’énorme bévue de son adversaire qui continua quelques coups par inertie avant de se résigner à l’inévitable.
Enghien-les-Bains – Sèvres : 1-0
Kader commençait à engranger le matériel sans desserrer la pression.
Alain avait donné une qualité pour sauver l’essentiel mais sans que la pression adverse ne diminue. Objectivement, il pouvait déjà abandonner. Mais vous connaissez Alain, il a déjà annulé (voire gagné) plusieurs parties objectivement « abandonnables » et, surtout ce dimanche après toutes ses aventures, il était hors de question pour lui de rendre les armes en n’ayant pas tout tenté.
Un coup imprécis du capitaine Sévrien donna l’initiative au capitaine Enghiennois.
Réda avait gagné la paire de fous mais la partie restait équilibrée.
Emmanuel commença à plonger dans une intense réflexion pour le choix d’un plan de milieu de jeu.
Antoine avait pris un petit avantage principalement en raison de son plus grand espace de manœuvre.
L’imprécision susmentionnée avait permis à Benoît de créer quelques menaces tactiques. Croyant se libérer, son adversaire oubliait une combinaison gagnant du matériel ou permettant un joli mat.
Enghien-les-Bains – Sèvres : 2-0
L’avantage de Kader tant matériel que positionnel ne faisait que s’accroître, il conclut bientôt par une petite combinaison.
Enghien-les-Bains – Sèvres : 3-0
Les vaillants Enghiennois abordaient donc la mi-temps avec un net avantage.
Si la position d’Alain était toujours désespérée, celle de Réda était saine, probablement légèrement du bon côté de l’approximativement égal (en langage informateur élargi + = =).
En revanche, au lieu du plan habituel qu’il avait déjà joué avec succès et malgré une longue réflexion, Emmanuel avait choisi une continuation douteuse. Bientôt son adversaire n’hésitait à sacrifier un cavalier sur le roque, récupérant rapidement une qualité et une grosse initiative.
Au premier échiquier la position était toujours très tendue et très complexe.
Je suggérai donc à Réda et Antoine de proposer nulle. Proposition qui fut bien entendu rejetée (b’en ouais, nos adversaires n’étaient pas perdreaux de l’année non plus).
Je commençais à me faire des soucis : toutes les pendules annonçaient un zeitnot plus ou moins violent.
En crise de temps aigüe (qui a dit « comme d’habitude » ?) Emmanuel ne vit pas une défense cachée qui lui eut permis de résister davantage, et dut bientôt abandonner, l’attaque adverse étant trop forte.
Enghien-les-Bains – Sèvres : 3-1
Les lecteurs assidus de ces comptes-rendus savent que je photocopie parfois les feuilles de parties avant de les envoyer au directeur de groupe avec le procès-verbal du match, pour analyser à loisir les chefs d’œuvres de mes équipiers. Ils ne savent pas cependant que je ne photocopie jamais celle rédigée par Alain. Son écriture ne me permet pas de savoir s’il utilise la notation algébrique ou la notation descriptive, ni s’il utilise les caractères romains, cyrilliques, arabes ou vietnamiens. Comme ce dimanche, son adversaire – mimétisme ? tension de l’enjeu ? énervement dû à l’attente ? – présentait les même symptômes graphologiques, je serais bien en peine de vous préciser ce qu’il est advenu entre mes deux brefs coups d’œil au cinquième échiquier. Toujours est-il que la position d’Alain était soudain un peu moins désespérée (il avait regagné une qualité) mais toujours perdante (il avait deux bons pions de moins).
Dans le zeitnot, Réda avait probablement laissé passer une occasion de prendre un net avantage et devait maintenant lutter dans une finale de tour très légèrement inférieure.
Au premier échiquier, la position s’était soudain sauvagement ouverte. chaque camp possédait un pion passé et chacun des rois était menacé par la dame adverse. Dans ce zeitnot extrêmement tendu Antoine fut le plus précis. Par une subtile manœuvre basée sur des menaces de mat, il transposa habilement dans une finale aisément gagnée.
Enghien-les-Bains – Sèvres : 4-1
La victoire était assurée.
Le miracle eu lieu au cinquième échiquier où Alain profita des fous de couleur opposée, pour annuler malgré ses deux pions de moins, miracle consolant des déboires d’avant match et récompensant une ténacité bientôt légendaire dans toute la galaxie.
Enghien-les-Bains – Sèvres : 4-1
Le départage fut préservé par Réda qui annula assez facilement la finale tour et quatre pions contre tour et trois pions grâce à l’activité de sa tour.
Enghien-les-Bains – Sèvres : 4-1
Un bon match pour commencer la saison et faire le plein de confiance.
Et une excellente surprise le lendemain, en constatant que cette victoire nous propulse déjà en tête de la poule grâce à notre meilleur départage (même si la composition des équipes adverses doit nous inciter à la plus grande circonspection).
Notre route est droite, mais la pente est forte**
Mais ne boudons pas notre joie :
Résonnez tambours !
Sonnez trompettes !
Chantez vivats !
L’échiquier du lac est là !
* Victor Hugo, Les Châtiments.
** Jean-Pierre Raffarin, séance de l’Assemblée nationale du 3 juillet 2002.
Merci Chef pour ce compte rendu minutieux ! Concernant ma partie, je préciserais que mes connaissances théoriques se sont arrêtées au 6e coup, mon adversaire n’ayant pas eu l’obligeance de jouer l’ouverture contre laquelle je m’étais préparé
Posté par Antoine le 17 octobre 2013.
“Kader commençait à engranger le matériel sans desserrer la pression.”
De quel type de boisson parle-t-on ici ?
Posté par Rémi le 18 octobre 2013.
Un grand bravo également à l’équipe 2 qui n’a pas fait dans le détail avec une victoire 3-1 à Pontoise !
Posté par Antoine le 19 octobre 2013.
Kader étant la sobriété personnifiée, il n’est pas question de boisson ici 😉
Posté par Benoit le 20 octobre 2013.
Bravo pour ce compte rendu, original et précis !
Promis Chef, je jouerai mieux la prochaine fois
Posté par Laurent le 21 octobre 2013.
Merci Benoît pour ce Compte rendu !
Bravo à tous, et à bientôt parmi vous,
Olivier
Posté par Olivier le 22 octobre 2013.